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Alors que les relations diplomatiques du Niger prennent un tournant décisif, une question se pose : assiste-t-on à une fracture au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES) ou à un pragmatisme politique dicté par la Realpolitik ?
Depuis la rupture constitutionnelle au Niger, le général Abdouramane Tiani cherche à rétablir des liens forts avec des voisins stratégiques comme l’Algérie et le Nigeria. Ce dernier, locomotive de la CEDEAO, a pourtant été perçu comme l’instigateur des sanctions contre les pays membres de l’AES, ce qui pourrait faire de cette démarche une initiative controversée au sein de l’alliance. Le Mali et le Burkina Faso, eux, renforcent leurs positions contre la CEDEAO, restant inflexibles face à l'Algérie, tandis que le Niger semble chercher à rompre son isolement diplomatique. Le Premier ministre nigérien, Mahamane Lamine Zéine, a d’ailleurs conduit une délégation à Alger, marquant une volonté de coopération accrue avec ce voisin essentiel. Ce rapprochement est-il un signe d’un adieu envers ses alliés ou simplement un pragmatisme géopolitique ?
La stratégie du Niger semble pourtant dictée par la nécessité. Entre intérêts géostratégiques et défis économiques, le pays n’a pas d’autre choix que de renforcer ses relations avec ses puissants voisins. Si le Mali et le Burkina Faso perçoivent le Nigeria comme un adversaire en raison de son rôle au sein de la CEDEAO, le Niger, lui, choisit de reprendre ses collaborations avec ce géant régional, notamment dans le domaine de la sécurité. Cette décision pragmatique pourrait bien être cruciale pour contrer le terrorisme dans une région en proie à l’instabilité.
Pourtant, cette divergence de stratégie soulève une question cruciale : l’AES, créée dans un contexte de précipitation et d’émotion, peut-elle résister aux intérêts contradictoires de ses membres ? La réponse pourrait déterminer l’avenir même de cette alliance. Le Niger semble avoir tiré les leçons de l’histoire et de la gestion étatique, adoptant une approche plus souple, inspirée par la Realpolitik. En refusant de vivre en autarcie, le général Tiani pourrait bien montrer la voie à suivre à ses homologues, les colonels Assimi Goita du Mali et Ibrahim Traoré du Burkina Faso. Ainsi, l’AES, pourtant vue comme un symbole de résistance face à l’influence extérieure, risque aujourd’hui d’imploser sous le poids des divergences internes.